Bulletin n° 70

samedi 10 juin 2017

ÉDITORIAL

« Certains très bons livres sont aussi de vraies catastrophes pour la littérature. Ils deviennent, bien malgré eux, moins des modèles que des patrons, des gabarits, des matrices. Le principe originel auquel ils obéissent semble infiniment reconductible, la recette facile à imiter. Et chacun veut faire sa gaufre dans ce moule à gaufres. Telle est la postérité du Je me souviens, de Georges Perec (Hachette, 1978), lui-même inspiré d’ailleurs par le I Remember, de Joe Brainard (1970). La mode fut lancée, qui dure toujours. Un genre littéraire en soi, comme le haïku, qui offre aux paresseux et aux velléitaires vaguement tentés par l’aventure d’écrire l’occasion de franchir le pas en douceur et sans frais. Les souvenirs viennent par quintes comme la toux, on a tôt fait de remplir sa page. Puis la nostalgie est le nouveau ciment social. Les générations circulent en processions dans le grand cimetière des enfances mortes et des époques révolues. On pleure ensemble. On se serre les coudes. On se souvient. C’est si bon. » (Eric Chevillard, Le Monde des livres, 16 décembre 2016)
Gageons que la réédition de Je me souviens dans la Pléiade, au milieu des autres œuvres de Perec, ne sera pas une catastrophe pour la littérature. C’est en tout cas l’événement de ce semestre, accompagné d’un grand nombre de manifestations autour et à côté de cette publication tant attendue. Tous les échos qu’elle ne manquera pas de susciter ne nous sont pas encore connus à l’heure où nous mettons sous presse mais les pages qui suivent en signalent déjà quelques-uns. Souhaitons à tous nos membres une relecture fructueuse des écrits de Georges Perec, à la lumière des commentaires et notes des spécialistes rassemblés dans ces deux volumes.

Philippe Didion